Ballon et Gravitation

Auteur Frédéric Texier

8 octobre 2018

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Introduction

La théorie de la relativité générale d’Einstein a révolutionné l’idée qu’on avait de la gravitation: la gravitation n’est plus pensée comme une force mais comme une courbure de l’espace-temps. Un aprés-midi du mois de mai 1907, Albert Einstein dans une rêverie semi-éveillée eu ce qu’il a appelée l’idée la plus heureuse de sa vie:
“j’ai compris qu’une personne en chute libre ne sent pas son propre poids. Cela a provoqué en moi une très forte émotion, qui m’a conduit quelques années plus tard à une nouvelle théorie de la gravitation.”
Le génie d’Einstein se caractérise par un esprit qui l’ammène à créer des “exprériences théoriques”. Dans cette rêverie semi-éveillée naît l’idée de l’équivalence entre l’état de chute libre et l’état d’apesanteur. Nous avons tous je crois vécu la sensation d’apesanteur dans une telle rêverie et les chutes libres sont fréquentes dans nos rêves. Ces rêves sont peut-être provoqués par la modification de l’effet de la gravité en position allongée conjuguée à l’absence des sensations de pesanteur dûe à la déconnection de l’esprit et du corps pendant le sommeil.
Nous allons montrer que l’émotion d’Albert Einstein et celle provoquée en danse par le ballon ont à l’origine le même aspect essentiel de la nature.

Le ballon en danse classique

Le ballon est un terme utilisé en danse classique pour désigner une qualité du saut. On dit qu’un danseur ou une danseuse a du ballon si, lors du saut, son corps donne l’impression d’être libre en l’air. On retrouve cette impression dans la nature lorsque l’on admire le saut d’une biche ou d’un impala. Nous allons considérer le ballon comme un phénomène naturel et en chercher les secrets.

Le paradoxe du ballon

La chute des corps sur terre est dûe au fait que la matière qui constitue la terre attire toute matière par un phénomène nommé gravitation. Le corps du danseur étant fait de matière n’échappe donc pas à cette loi universelle décrite par Issac Newton, d’où le mystère le paradoxe du ballon: pendant le saut, un danseur qui a du ballon semble s’affranchir des contraintes de la nature alors qu’il est soumis à la gravitation. Résoudre ce paradoxe consistera à identifier la nature du phénomène ballon sans pour cela remettre en cause les lois qui permettent de comprendre notre univers.

Gravitation, mouvement et forme

Principe d’équivalence d’Einstein entre gravitation et accélération

La gravitation structure notre univers. Elle est si fondammentale qu’Albert Einstein l’a décrite dans sa magnifique théorie de la Relativité Générale par la courbure de l’espace, étendant ainsi la théorie de Newton: “la gravitation n’est désormais plus fondée sur la notion de force agissant sur la matière mais sur la notion de déplacement dans un espace courbé par la matière; en exemple, l’orbite de la lune dans la courbure de l’espace par la terre, la chute des corps sur terre... La gravitation peut être considérée comme une accélération. Ceci est formulé par le principe d’équivalence d’Einstein: dans une expérience locale, gravitation et accélération sont indistinguables. La gravitation accélère pareillement le mouvement de toute matière. Nous n’entrerons pas dans les mathématiques de cette importante propriété de la gravitation mais nous étudierons une expérience pour nous familiariser avec elle. En un lieu comme une scène de danse, la gravitation modifie donc de la même façon le mouvement de toutes les parties du corps. En conséquence la gravitation n’agit que sur le mouvement d’ensemble du corps, n’agissant ni sur la forme donnée au corps, ni sur l’évolution de cette forme. La gravitation n’intervient pas dans la coordination du corps. Le corps ne ressent pas la gravitation. Le corps est libre par rapport à la gravitation.

Effet sur le corps dans un environnement gravitationnel homogène

Nos sensations sont objectives. Debout pieds nus, fermons donc les yeux pour les rechercher. Que ressentons nous de notre environnement? Nous ressentons la poussée ascendante du sol sous nos pieds entraînant la poussée des jambes sous notre buste, entraînant vertèbre après vertèbre une poussée du buste sous notre tête et une traction des bras au niveau des épaules... Autrement dit debout nous ressentons le poids des parties de notre corps. La poussée initiale du sol sous nos pieds résulte en un tassement des parties superposées successives de notre corps, et un étirement des parties suspendues. On peut expliquer ce tassement et cet étirement en considérant que le sol sous nos pieds nous accélère vers le haut exactement comme le ferait le plancher d’un ascenseur. Cette accélération correspond à l’empêchement par l’appui au sol du mouvement gravitationnel d’ensemble de notre corps; mouvement que nous pouvons appeler chute libre gravitationnelle. Autrement dit l’appui au sol stabilise notre position, il nous soutient. Le soutient du corps par le sol a un prix: il crée les contraintes corporelles évoquées ci-dessus: poids, tassement, étirement qui interviennent sur la forme du corps et son évolution.
La stabilisation du corps par l’appui au sol est expliquée en considérant que le sol produit sur notre corps une accélération ascendante qui s’oppose à l’accéleration descendante gravitationnelle; les deux accélérations se compensant. Comment, dans la situation où deux accélérations se compensent, des contraintes peuvent-elles en découler. Cela vient de ce l’accélération produite par le sol agit localemement sur le corps alors que la gravitation s’exerce de façon homogène: la localisation du soutient sous les pieds crée le chaînon des contraintes corporelles de poids, de tassement, d’étirement. Dans l’environnement gravitationnel, la situation où le corps est libre de ces contraintes est celle où il se déplace librement tel une pierre lancée en l’air. Toute modification de ce mouvement parabolique par une action sur une partie du corps apportera des contraintes sur le corps, sur sa forme. C’est en laissant la gravitation s’exercer librement que le corps est libre de ces contraintes. C’est pourquoi nous dirons de celle-ci qu’elles sont de contraintes antigravitationnelles. Le corps d’une petite grenouille peut être stabilisée en l’air par un champ magnétique produisant une accélération ascendante agissant de façon assez homogène sur son corps qui semble évoluer sans contrainte. Ceci montre que sans localisation de l’accélération antigravitationnelle les contraintes n’apparaissent pas.
En l’air dans la gravité terrestre, ces contraintes qui agissent sur la synchronisation et sur la forme, nous ne les renssentons plus. Sans l’appui au sol nous ressentons l’absence très inhabituelle des effets de la gravité: les parties de notre corps sont libérées de la gravité: elles n’ont plus de poids.
Les maîtres de danse parlent en véritables physiciens lorsqu’ils demandent à leurs danseurs de se repousser du sol pour obtenir une posture optimale. La pensée de l’artiste et celle du scientifique, toutes deux en quête du vrai, s’accordent donc au sujet de la façon directe et objective d’aborder la gravitation: chaque partie du corps se repoussant du sol en prenant appui sur la partie inférieure, le pied prenant appui directement sur le sol. Se repousser du sol a un sens concret contrairement à la pensée qu’un fil attaché au haut de la tête étire le corps qui est du domaine de l’imagination.

Expérience de Physique comparée au ballon en danse classique

Expériences sur la gravitation

Communément dans notre intuition la gravitation manifeste toujours ses effets car nous sommes le plus souvent au sol en appui soumis à un tassement du corps. Pourtant la gravitation seule, sans appui au sol, n’a pas d’effet sur la forme et son évolution par le mouvement. Pour exprimer cela on dira que sans appui la gravitation est parfaitement transparente pour la forme et son évolution par le mouvement: comme une eau pure laisse passer la lumière, la gravitation laisse passer la forme et son évolution. Une absence d’effet est difficile à mettre en évidence parmi la complexité de notre environnement et de nos mouvements. Pour révéler cette transparence, propriété fondamentale de la gravitation et ainsi détromper notre intuition, il faut purifier l’environnement des autres phénomènes agissant sur la matière et simplifier le mouvement. On peut par exemple s’affranchir des effets de l’atmosphère en allant sur la lune pour y lâcher (comme lors d’une mission Apollo) un marteau et une plume simultanément d’une même hauteur et constater que la gravité lunaire anime les deux objets d’une même vitesse si bien qu’ils atteignent le sol au même instant. Les deux objets créent une forme qui est caractérisée par la distance qui les sépare, et c’est cette distance, donc cette forme, qui est parfaitement préservée par la gravitation. On peut réaliser dans la gravité terrestre une expérience équivalente en construisant une chambre à vide, pour observer le mouvement parfaitement synchrone d’une boule de bowling et d’une plume et donc observer la parfaite transparence de la gravitation sur la forme. Cette très belle expérience à visionner sur internet évoque fortement le ballon du danseur https://www.youtube.com/watch?v=NOTQN9o8nQA. Les deux objets sont affranchis de toute contrainte jusqu’à ce qu’ils atteignent le sol: jusqu’à ce qu’un appui existe. Le résultat est étonnant et révélateur car notre intuition de la gravitation est prise en défaut: on s’attendait à ce que la plume soit bien plus lente et donc que la forme créée par les deux objets soit fortement modifiée. Cette erreur de prédiction est dûe à ce que notre intuition s’est construite dans l’environnement ordinaire sur terre où un autre phénomène occulte le pur effet de la gravitation; le phénomène étant la résistance de l’air qui ralentit la plume. Notre intuition aura amalgamé l’appui sur l’air avec la gravitation. Cette expérience montre donc que l’absence d’appui résulte en une absence d’effet de la gravitation sur le mouvement.
L’effet que produit sur nous l’expérience est dû au fait que notre attention est portée sur le fait rien ne vient modifier la distance entre les deux objets. L’effet serait beaucoup moins spectaculaire si les objets étaient initialement animés d’une vitesse sensiblement différente car la propriété de transparence de la gravitation demanderait une réflexion supplémentaire, une forme de calcul pour être validée. On voit ici l’importance de la synchronisation initiale dans la révélation de la transparence de la gravitation sur le mouvement. Par extension, le ballon témoigne donc de la qualité de la synchronisation du corps du danseur à l’appel du saut.
Pour le système binaire rien ne se passe pendant la chute alors qu’un être humain ressentirait au moins qu’il se passe quelque chose avec son estomac. Cet effet n’est pas directement causé par la gravitation car la gravitation entraîne l’estomac et le reste du corps dans un même mouvement. Cet effet pourrait être dû à des réactions du corps face à l’inhabituelle absence d’appui, circonstance qui pourrait nuire dangereusement au fonctionnement du tube digestif.

La gravitation face à notre intuition

Du fait que la gravitation ramène immanquablement le corps du danseur au sol, il est vain pour le danseur d’agir en l’air contre la gravité. Du fait que la gravitation préserve la forme et son évolution, il n’est pas nécessaire au danseur d’agir contre la gravité lorsqu’il est en l’air car il peut conserver momentanément une posture en l’air exactement comme si la gravitation n’existait pas. C’est au contact du sol que le corps subit des contraintes liées à la gravitation et qu’il peut et doit agir contre elles. Un verre à pied en chute libre ne subit momentanément aucune contrainte gravitationnelle: posé sur une table il est soumis à la poussée de celle-ci et c’est grace à l’interaction des molécules qui le constituent que le verre peut conserver sa forme, son apparence. D’ailleurs par une chaleur suffisante, ces interactions faiblissant, le verre se tassera, perdra sa forme, à cause de la poussée de la table dans la gravitation terrestre. De même, une bodruche emplie d’eau ne peut en appui sur une table conserver une forme libre, en effet l’appui modifie la forme libre en créant une partie plane au contacte de la table. Au contraire en chute libre en négligeant la résistance de l’air la forme de la bodruche est libre des effets liés à la gravitation. Cependant si au moment où elle est lâchée en l’air sa forme n’est pas bien définie et stablisée, c’est à dire si ses mouvements ne sont pas bien synchronisés, la bodruche se déformera durant sa chute de façon plus ou moins oscillante. Alors la neutralité de la gravitation sur la forme bien que toujours vraie sera dissimulée par ses mouvements. Pareillement pour le ballon, une bonne synchronisation est nécessaire à bonne la mise en évidence de la liberté de forme en l’air. La synchronisation initiale est une très importante condition pour que le ballon se manifeste clairement. La musicalité joue un rôle très important pour la synchronisation et donc pour le ballon; en particulier l’accentuation, le phrasé, la respiration musicale. Réciproquement, la liberté du ballon peut être utilisée pour présenter la musique.

Le vol

L’appui sur l’air

Voici une autre intuition qu’il faut maintenant corriger. En vol, l’oiseau ne s’abstrait pas des contraintes liées à la gravitation car il prend appui sur l’air grace à ses ailes de sorte que le mouvement libre est empêché par une action locale. Les ailes de l’oiseau ont ainsi le même rôle que nos pieds. C’est ce que semble nous dire la staturaire grecque: avec des ailes à ses pieds, Hermès évolue aussi bien en appui sur terre qu’en appui sur l’air faisant de lui le messager des dieux. La proximité des ailes avec les pieds renforce l’idée que l’appui est nécessaire au maintient en l’air. De cette proximité découle aussi que les mêmes postures sont plausibles à la fois dans les airs et sur terre, si bien que le dieux n’a guère à se préoccuper des transitions entre les deux milieux. On peut probablement voir là une forme d’humour. En conséquence de ses appuis ailaires l’oiseau en vol ressent des effets liés à la gravitation comme nous en ressentons au sol en conséquence de nos appuis pédestres. Les parties du corps de l’oiseau en vol ont un poids comme les parties du corps sur terre. L’oiseau en vol ne maintient donc pas sa forme librement en l’air. L’oiseau en vol doit être comparé au danseur au sol plutôt qu’au danseur en l’air. L’air intervient sur la posture de l’oiseau tout comme le sol sur la posture du danseur. L’oiseau compense la très faible cohésion de l’air par rapport à celle du sol par une très large surface d’appui, le dromadaire compense la faible cohésion du sable par la largeur de son pied.

La chute en piqué

Contrairement au vol, la chute en piqué est proche du ballon. Le faucon pélerin en piqué minimise la résistance de l’air, ce qui équivaut à dire qu’il minimise ses appuis. Ainsi l’effet de la gravitation sur sa forme est minimisé tandis que son accélération devient celle de la gravitation, et on pourrait aussi bien dire qu’il tombe comme une pierre ou qu’il tombe comme la plume dans le vide. Dans cette situation sans tenir compte de la résistance de l’air, le corps de l’oiseau ne ressent pas les effets liés à la gravitation. Ceci constitue pour l’esprit du faucon une simplification qui pourrait expliquer son extrême précision à l’avillonage de sa proie; sans cette précision au lieu d’assister à une spectaculaire prédation, nous assisterions à un horrible accident. De même la liberté de forme constitutive du ballon apporte une simplification motrice qui pourrait expliquer l’art avec lequel le danseur se réceptionne; sans cet art, le sol endomagerait le corps du danseur.

La danse

La notion d’appui est essentielle à l’existance d’un effet gravitationnel. Le ballon qui suppose la liberté par rapport à la gravitation n’est donc aucunement un vol. Toutefois l’appel et la réception du saut du danseur peut être rapproché de l’envol et de l’atterissage de l’oiseau: danseur et oiseau prenant appui.
Pour se convaincre que l’oiseau en vol n’est pas libéré de la gravitation, il suffit d’être monté en avion. Pour la gravitation, notre corps est alors dans la situation des organes de l’oiseau; l’avion étant alors comme l’extérieur du corps de l’oiseau. Dans un avion en vol régulier nous pouvons marcher de la même manière qu’en appui sur terre et donc nous ne sommes pas libérés de la gravitation, les parties de notre corps y ont un poids. La même conclusion est vraie pour l’oiseau en vol. Dans un avion en chute libre, l’effet de la gravitation sur notre corps disparaîtrait ce qui provoquerait presque immanquablement une certaine panique. Avec le ballon, le danseur est supposé s’épanouir avec cet état de liberté de mouvement et cela grace à sa maîtrise de l’art du saut. La sensation de liberté n’est pas feinte, elle est réelle.
La comparaison du saut de Nijinski avec le vol dans le Spectre de la Rose par Tamara Karsavina ne doit pas être utilisée pour analyser le ballon car le vol résulte d’un appui sur l’air et est donc soumis à des contraintes sur la forme. Il faut lui préférer celle de Nijinski lui-même: de la simple pensée de rester en l’air découle le ballon. Par contre comparer le merveilleux appui sur de l’air des oiseaux à l’excellente utilisation du sol néssessaire au ballon est parfaitement loisible.
La danseuse romantique avec son tutu vaporeux offre le spectacle de la rencontre assez exceptionnelle de deux dynamiques pendant le saut: celle du ballon et celle du vol. D’abord la dynamique de son corps qui avec le ballon montre la liberté qu’offre la gravitation sur la forme et son évolution. Ensuite la dynamique du tutu qui suggère le vol car par sa surface étendue le tutu prend appui sur l’air. Alors que le corps de la danseuse démontre la liberté d’être en l’air, le tutu apporte la légèreté et la sensation du vol.
Il faut donc bien distinguer: le ballon qui correspond à une liberté, du vol qui correspond à une légèreté. Avoir du ballon c’est autre chose qu’être léger ou que voler.

La pure gravitation n’a pas effet sur la forme

Une forme est le résultat de la synchronisation des mouvements.

En effet pour réaliser une forme stable à partir d’un corps en mouvement il faut parvenir à synchroniser les parties principales de ce corps: la forme globale est conservée si toutes les parties atteignent une même vitesse. Par exemple la plume avec la boule de bowling sont synchrones et donc constituent une forme stable parce que les deux objets ont étés libérés avec une même vitesse au même instant. Grace à la simplicité de ce système binaire, cette forme est ici entièrement définie par la distance qui sépare les deux objets. Une évolution de la forme du système binaire consisterait donc à modifier la distance de séparation. La gravité fait évoluer les deux objets à une même vitesse, la distance donc la forme s’en trouvent conservées. Par la synchronisation initiale on met en évidence - et il en est de même pour la danse avec le ballon - la propriété de la gravitation de ne pas altérer forme et son évolution; un cadeau de la nature à la danse, un spectacle pour les yeux.
Comme la bodruche emplie d’eau que nous avons étudiée, le corps du danseur est un système complexe et particulièrement déformable donc difficile à synchronisé; le ballon s’en trouve difficile à obtenir. On ne peut pas décrire la forme du corps par une unique distance. Comme un trop grand nombre de paramètres serait néssessaire, on préférera revenir à la notion de forme - synthèse de toutes ces distances - car cette notion existe clairement dans notre intuition. Obtenir une forme avec le corps ou la bodruche est donc beaucoup plus complexe qu’avec les deux objets. Avant de lâcher une bodruche emplie d’eau. il faudra initialement la stabiliser sa forme ce qui est extrèmement difficile; ceci correspondant à la synchronisation du corps du danseur pendant l’appel du saut. La condition initiale réalisée, la bodruche conservera pendant son évolution en l’air sa forme alors qu’au sol elle se déformerait, s’applatirait. De même, le danseur en quittant le sol n’a plus à lutter contre les effets de la gravitation pour conserver une forme ou en changer si les parties de son corps ont été initialement finement synchronisées. Au contraire, au sol aucun mouvement ne peut être exécuté comme si la gravitation n’existait pas à cause de la poussée du sol qui donne aux parties du corps un poids qui agit sur le mouvement. Entre autre le danseur ne peut pas s’abstraire de la nécéssité de s’équilibrer, et en particulier dans le mouvement, dans le plié, à l’appel du saut et à la réception. La poussée du sol sous ses pieds oblige le danseur à adopter une posture appropriée et à exercer une série d’actions pour maintenir une forme: par exemple debout pour mantenir les bras en seconde position, il faut qu’il agisse contre le poids du bras qui apparaît avec la poussée du sol. Au contraire en l’air, il n’y a plus lieu d’agir contre le poids du bras puisque le poids n’existe pas dans la seule gravitation.

La clarté

La synchronisation nécessaire au ballon apporte une clarté à la danse: à la manière où par une subtile alchimie quelques gouttes d’une mystérieuse substance viendrait éclaircir une eau trouble, la synchronisation qui aboutit à une position classique apporte de la limpidité au mouvement.

Le diaphane

Une matière est transparente si la lumière la traverse librement autrement dit si cette matière n’interagit pas ou peu sur la lumière. Le terme diaphane, transparent en grecque, était cher à Théophile Gauthier pour écrire à propos du ballet romantique. Ce n’est pas seulement le tutu romantique, mais aussi la danse de la ballerine et celle du corps de ballet qui est diaphane et, en particulier par extension de la notion de transparence, le ballon; le terme diaphane devenant l’extension de la notion de transparence aux phénomènes qui cohabitent sans interagir. Dans le ballon le phénomène de gravitation cohabite sans interagir avec la forme et son évolution par le mouvement. Ainsi le ballon qui donne la liberté dans le saut au danseur peut être considéré comme une forme étendue de transparence: le ballon rend le saut diaphane.
Le danseur éprouve et communique son amour pour la liberté avec le ballon. La ballerine romantique ne se restreint pas à ne communiquer cette liberté gravitationnelle que dans le saut: en appui au sol elle agit avec son corps, ses muscles et sa posture, de façon à contrer le poids de parties principales de son corps pour en dissimuler l’existance et faire croire à une plus grande liberté. Elle évite aussi les tensions inutiles de façon à prolonger l’impression diaphane de liberté gravitationnelle à son évolution à terre, les bras de la Sylphide ou de Giselle en Willis devant sembler sans poids mais aussi sans tension. Lorsque les tensions nécessaires à l’effacement du poids s’équilibrent parfaitement avec le poids, tensions et poids s’annihilent mutuellement de sorte qu’aucune des deux forces n’apparaît plus; ces tensions créant ainsi une sensation de liberté semblable à la liberté gravitationnelle. Ainsi la ballerine, en exerçant des tension bien mesurées, libère-t-elle la forme des effets de la gravitation. Elle apparaît alors au sol comme en lévitation.

Puisque naturellement sans appui la gravitation cesse d’agir sur le corps du danseur, pourquoi le ballon ne se manifeste-t-il pas systématiquement dès que le danseur quitte le sol?

Cette disparition instantanée des contraintes gravitationnelles n’entraîne pas systématiquement la liberté exprimée avec le ballon car de nouvelles contraintes peuvent apparaître avec le saut.
Avec le ballon on admire la liberté offerte à la forme et au mouvement lorsque les effets de la gravitation disparaissent avec la disparition des appuis au sol. De nombreux phénomènes portent atteinte à l’état de liberté gravitationnelle portant atteinte donc au ballon. Pour avoir du ballon il faut savoir exploiter la liberté de forme et de mouvement que nous offre la nature avec la gravitation.
Le sol est notre milieu de résidence, nous pouvons nous y sentir comme au repos, pourtant l’évolution y est complexe car on doit composer avec les contraintes gravitationnelles qui apparaissent avec l’appui au sol. Notre corps s’est très bien adapté à ce milieu en s’équilibrant verticalement au cours de l’évolution de notre espèce; minimisant par l’équilibre et par la posture l’effort à fournir contre la gravitation. Nous faisons partie des champions dans la lutte contre la gravité et l’art de la danse classique sublime cette aptitude naturelle. En l’air sans appui au sol nous ne sommes pas forcément très détendus. Sentir que les contraintes gravitationnelles ont disparues peut provoquer toutes sortes d’effets pouvant nuire à la liberté de forme et de mouvement: crispations, désynchronisation ... même notre physiologie souffrirait d’une absence prolongée d’effet de la gravitation.
Dans le saut il y a une double transition entre deux milieux: le sol et l’air. Le saut commence par un appui au sol, se poursuit par un temps de suspension sans appui et se finit par un appui. D’abord, la synchronisation nécessaire au temps de ballon est assez difficile en raison de l’énergie déployée et de la brièveté de l’appel. La reprise des mouvements d’évolution au sol est elle aussi délicate pour les mêmes raisons. La préparation à la réception ne doit pas trop écourter le temps de liberté en l’air.
En l’air, la gravitation ne produit plus ces contraintes: c’est la liberté gravitationnelle pour le corps qui s’exprime par le ballon. Cependant les transitions entre les deux milieux peuvent nuire à l’état de liberté en l’air et à sa durée et donc à l’effet du ballon sur un public. Une délicate synchronisation à l’appel du saut et réversiblement une délicate reprise du mouvement complexifié par le sol à la réception sont nécessaires pour ne pas écourter la durée du ballon. La synchronisation est particulièrement difficile à l’appel du saut car le corps est complexe et on ne dispose que d’un court lapse de temps pendant lequel d’importantes énergies doivent être maîtrisées pour ne pas créer chaos et deséquilibres. Sans ces énergies et sans leur maîtrise pas d’élévation et donc pas de ballon. Ainsi le ballon témoigne de la qualité du saut. Le manque de tranquilité en l’air, crispations ou autres tensions, lié à une fausse intuition de la gravitation, peuvent nuire à l’expression de cette liberté en l’air.
Lorsque l’on court ou saute, notre corps adopte habituellement des positions utiles pour la vitesse, l’endurance, l’appui ou l’élasticité, à l’appel et à la réception. En plus de tout cela la danse classique avec le ballon recherche une belle forme persistante en l’air, une expression. L’absence de contrainte gravitationnelle sur la forme en l’air manifestée par le ballon facilite cette finalité artistique. Notons qu’avec son extraordinaire ballon l’impala perd un peu de vitesse mais semble peut-être plus libre plus insaisissable pour certains prédateurs et exprime clairement peut-être l’idée de fuite et de liberté pour les autres impalas. Peut-être le ballon les aident-elles à ne pas être envahies par des tensions de frayeur. De même peut-être le ballon aide-t-il le danseur éliminer des tensions qui nuiraient au mouvement et à l’expression.

Avec le ballon le danseur est libéré de la gravitation, mais la durée de cet état est limité

La gravitation agit d’une façon universelle pour ramèner le corps du danseur sur le sol en un mouvement d’ensemble. La durée de la suspension est donc régit par la nature. Le ballon prend place pendant cette durée. Le durée du ballon est la durée pendant laquelle le danseur ou la danseuse peut réaliser une forme libre des contraintes extérieures et de leurs éventuelles conséquences en l’air. Plus la durée du ballon est grande, plus l’effet est apparant. Mais le ballon peut se manifester aussi bien dans la petite batterie où le temps de suspension est bien plus bref. L’effet ne dépend donc pas simplement du temps de suspension.
La limitation du temps de suspension est connue du spectateur, elle est même attendu puisque la musicalité l’exige. Cette contrainte temporelle laisse cependant suffisamment de temps pour que la liberté gravitationnelle s’exprime avec le ballon.
Avec la bodruche emplie d’eau cette durée de liberté de forme en l’air peut être réduite à néant par les oscillations crées par un défaut de synchronisation initiale responsable d’une instabilité de la forme. De même la durée du ballon du danseur sera réduite par un problème de cohérence à l’appel ou à la réception du saut ou autres défauts. Une désynchronisation à l’appel du saut fera perdre du temps réduisant d’autant la durée du ballon et nécessitera des corrections qui troubleront l’effet ballon.

Effets de la trajectoire parabolique

Notre réflexion s’est portée particulièrement sur l’effet de la gravité sur la forme et ses changements; autrement dit sur l’effet sur les mouvements relatifs des parties du corps. Intéressons nous maintenant au mouvement d’ensemble du corps. Contrairement aux mouvements relatifs qui hors appuis sont libres de la gravité, le mouvement d’ensemble est décrit par un seul point, le centre des masses qui, sans appui du corps, suit une coube parabolique. Cette trajectoire est entièrement régie par la gravité contrairement aux mouvements internes qui en sont indépendants.

La suspension au sommet de la parabole

La théorie de Newton nous précise que, dans un environnement de pure gravitation homogène les objets décrivent des trajectoires paraboliques en fonction du temps. Au sommet d’une telle trajectoire l’ objet reste en suspend un instant, ce qui est conforme à notre intuition battie en jouant à lancer des pierres par exemple. Cette suspension s’en trouverait donc être a priori un bon candidat pour expliquer le ballon. Cependant ce comportement naturel ne suffit pas à expliquer le ballon car alors tout danseur aurait du ballon, il faut en plus la liberté gravitationnelle de la forme.

La demi parabole descendante

Une demi parabole descendante exprimera plutôt l’idée de chute que celle de liberté en l’air. Ainsi le ballon ne se manifeste pas lorsqu’une danseuse portée à bout de bras est lachée pour être réceptionnée en position poisson près du sol comme cela se fait dans le ballet Don Quichotte, l’impression de chute prédomine sur celle d’être libre en l’air. L’accent est mis sur la réception près du sol où la danseuse a un poids du fait que le danseur en appui sur le sol la soutient; les forces gravitationnelles sont donc mises en avant et le ballon en retrait.

La demi parabole ascendante

Dans le spectre de la rose de Michel Fokine, la sortie de Nijinski par la fenêtre en un grand jeté marqua l’histoire du ballet. La fin de ce saut au ballon légendaire, n’est pas visible par le public, si bien que le ballon est à la fois une apogée du ballet et la dernière image qu’on a du spectre. L’impression de chute est évitée avec la dissimulation de la seconde partie de la parabole ce qui met le ballon au premier plan.

Le suivi de la trajectoire

Déjà dans l’expérience avec la plume et la boule de billard, l’expression de la liberté gravitationnelle est améliorée par le suivi du mouvement commun des deux objets par la caméra. Ressort ainsi l’impression que rien n’agit sur les deux objets. En s’abstrayant ainsi du mouvement d’ensemble du corps, on se rapproche de la vraie nature de la gravitation. De même le spectateur captivé par le danseur, suivra des yeux sa trajectoire et aura alors avec le ballon l’impression que rien n’entrave le danseur, que la gravitation n’existe pas; approchant ainsi une conception avancée de la gravitation.

Le vol des Sylphides

Suspendues à un cable, les sylphides qui s’élèvent dans les airs sont soumises à des contraintes sur les formes car le mouvement naturel du corps dans l’environnement gravitationnel est empêché: elles ressentent le poids des parties de leur corps. Alors que la pure gravité n’exerce aucune contrainte sur les formes car elle a le même effet sur toutes les parties du corps, la suspension comme l’appui agissent sur les formes car ils s’exercent sur des parties bien déterminées du corps. La suspension, l’appui, et le vol font partie des situations où le corps est empêché de chuter, en contre partie les formes sont contraintes. Au contraire avec le ballon la chute n’est pas empêchée et les formes bénéficent de la liberté gravitationnelle.

La réponse de l’artiste

Vaslav Nijinsky répondait qu’il lui suffisait de penser rester en l’air pour obtenir son légendaire ballon. Le terme “suffisait” peut être associé à la mise en évidence de la propriété naturelle de la gravitation de ne pas agir sur la forme et son évolution: il n’y a pas lieu, une fois en l’air, de lutter contre la gravitation. “Penser rester en l’air” correspond à demander à son corps de réaliser une forme en l’air ce qui se fait en synchronisant les principales partie du corps: la spontanéité présumée de la danse de Nijinski permettant cette approche directe de l’art du saut, la qualité et la pureté présumées de la danse de Nijinski permettant d’éviter toutes les perturbations nuisibles au ballon. Le ballon est un effet naturel mais il nécéssite une pleine possession de l’art du saut.

Le ballon nous révéle un aspect essentiel de la gravitation

Le ballon révèle que l’on peut momentanément conserver une forme ou la faire évoluer en l’air comme si la gravité n’existait pas. En absence d’appui, la gravitation ne produit plus aucune contrainte sur la forme et ses changements, et c’est cette absence d’effet sur la forme et son évolution par le mouvement pour en changer que le ballon nous montre. Cette absence d’effet est contre-intuitive car au sol, et donc habituellement, les effets de la gravitation se manifestent dans tout le corps. En nous révèlant cet aspect essentiel de la nature et en détrompant ainsi notre intuition, le ballon élève notre pensée au dessus de ses triviales habitudes.
Une absence de contrainte peut-être bien plus surprenante et difficile à mettre en évidence que la présence d’une contrainte: comment prouver une non existance? Cette difficulté à détromper notre intuition augmente aussi bien le mérite des expériences scientifiques que celui du danseur avec ballon.
Les sauts où le danseur ou la danseuse adoptent une forme claire et attractive en l’air mettent bien en évidence l’absence de contraintes sur la forme et ses changements en l’air, ils sont donc appropriés pour montrer le ballon. D’autres sauts, bien que plus spectaculaires créent moins ou aucun effet ballon: les révoltades par exemple sont spectaculaires, mais il est peut-être moins facile d’y observer l’absence de contraintes gravitationnelle à cause de la grande dynamique de ses mouvements et du manque de présence de forme stable en l’air. Un simple grand jeté, soubressaut ou changement de pied montrera plus clairement le respect de la forme par la gravitation. Un entrechat sera approprié pour montrer que la gravitation ne nuit pas au mouvement et à la synchronisation. Ces exemples et bien d’autres restent à discuter en détail.

Conclusion

Le paradoxe du ballon est celui d’un corps qui apparaît libre en l’air alors qu’il retombe inexorablement. Cette merveilleuse impression ou sensation qui nous envahit avec le ballon n’est pas dûe à un arrêt ou un ralentissement métaphysique du corps du danseur en l’air, elle est dûe à la qualité de l’adaptation du danseur à l’absence d’effet gravitationnel sur son corps pendant la suspension du saut. Posé à terre comme tout autre objet sur terre et comme la terre elle-même, le corps du danseur est comme “ aglutiné ” sur celle-ci par la gravitation. Le corps ressent des tassements et tiraillements, signaux qu’il lui indique qu’il est dans une situation ordinaire. En l’air ces contraintes rassurantes disparaissent, la gravitation n’a plus d’effets sur le corps qui peut jouir d’une liberté momentanée par rapport à la gravitation. La contrepartie de cette liberté est la difficulté des transitions entre la situation terrestre habituelle ou le corps ressent la gravitation et la situation aérienne extraordinaire où ces effets disparaissent. Le ballon consiste à maîtriser ces déconcertantes transitions de façon à mettre en valeur et en évidence la liberté qui lui est attachée.

Résumé

Le ballon est l’expression de la liberté qu’offre la gravitation sur la forme et son évolution. Le danseur qui sait exploiter cette propriété fondamentale de la gravitation, peut avec plus d’aisance conserver une forme ou réaliser un mouvement en l’air car pour un moment la gravité n’existe plus pour lui; les parties du corps n’ayant plus de poids dès lors que le corps n’a plus d’appui au sol. Le ballon nous révèle cette liberté bien cachée qui est liée à la nature profonde de la gravitation, phénomène essentiel à la compréhension de notre univers. Le ballon n’est pas une transgression des lois de la nature: il en est une magnifique illustration qui nous ravit, éveille en nous une saine curiosité et nous ammène à reconsidérer notre intuition du phénomène de gravitation, à en soupsonner l’étrange beauté. En nous laissant entrevoir l’existence d’une conception de la gravitation plus profonde que nous le laisse supposer la commune intuition, le ballon nous étonne. La capacité à étonner est l’une des qualité de l’art: “Etonne-moi” demandait Diaguilev. En s’étonnant ainsi on s’éloigne de l’ordinaire et de son lot de pensées souvent illogiques qui s’imposent illégitimement parce qu’elle nous sont familières, pour s’approcher de l’extraordinaire bien réel avec son lot de questions nouvelles et étranges qui peut faire évoluer notre pensée vers plus de cohérence.
Pour résoudre le paradoxe du ballon - celui d’un corps qui semble rester librement en l’air alors qu’il retombe inexorablement - nous avons séparé les mouvements de changement de forme du corps du mouvement global du corps. Cette séparation est la prise en compte que l’effet de la gravitation sur ces deux classes de mouvements est contraire. C’est la confusion de ces effets contraires qui est à l’origine du paradoxe. En l’air sans appui, la gravité n’agit pas sur forme du corps et ses changements alors même qu’au contraire elle agit sur son mouvement global. Pour que le ballon se manifeste il faut que l’expression de la liberté gravitationnelle ne soient pas dominée par l’évidence de la chute.
Etonnament le vol doit être rapproché de l’évolution au sol et non du ballon car il comporte un appui sur une matière: l’air. Ainsi voler et rester en l’air sont deux choses distinctes: si Nijinski semblait voler, c’est par la qualité de son évolution au sol et s’il semblait rester en l’air c’est par ses aptidudes au ballon dépendantes de la qualité de son saut et donc de son évolution au sol; le saut commençant et finissant par une évolution au sol, l’impression de vol et le ballon sont liés.
Le ballon atteste de la force de la relation entre le danseur et le spectateur car la liberté de mouvement offerte par la gravitation au danseur est transmise au spectateur, l’émotion qui s’en dégage est également partagée. Le spectateur ressent l’impression de liberté et conçoit les qualités exceptionnelles nécessaires pour y parvenir. Peut-être se remémore-t-il ses jeunes années où il imaginait être quelque cerf ou gazelle.
Des expériences scientifiques démontrant clairement cette liberté gravitationnelle apportent une émotion comparable. La clarté apportée par la simplicité et la synchronisation est essentielle pour que le ballon se manifeste car celui-ci correspond à une absence d’effet de le gravitation. Cette clarté est obtenue dans l’expérience scientifique par le choix d’un système minimal, un système binaire, synchronisé au départ. La clarté est obtenue pour la danse par des formes aux lignes classiques épurées issues de la synchronisation du corps..
Le ballon participe au charactère diaphane du ballet; tout particulièrement avec le ballet romantique et néo-romantique avec “Les Sylphides” et “Le Spectre de la Rose” où Nijinsky manifesta un ballon légendaire. Au même titre que les effets de transparence des images, nous pouvons dire du ballon qu’il contribue au diaphane ou à la clarté du ballet car le ballon correspond à une simplification des phénomènes agissant sur le corps: la gravitation cesse un moment ses manifestations sur la forme et ses évolutions, ce qui équivaut à une transparence par l’extension du sens de ce mot que nous nous sommes permis. En agissant pour ôter le poids de parties importantes du corps, la danseuse romantique prolonge au sol cet effet diaphane.
Les contraintes gravitationnelles dûes à l’appui sur terre peuvent passer inaperçues car elles s’exercent presque en permanence sur nous. Elles nous ont si bien forgés qu’elles nous sont devenues indispensables. Nous en obtenons des informations essentielles à notre état d’équilibre. Aussi le danseur classique entretient une relation particulière avec le sol nécessaire à son équilibre et son élévation. Le danseur qui maîtrise l’art du saut ne craind pas les transitions entre l’air et le sol. Cette confiance acquise par le travail artistique nourrit son désir rester en l’air, qui conduit spontanément au ballon par la synchronisation et l’harmonie de ses mouvements et de son esprit. Ainsi l’art et l’enseignement de la danse classique se développent en harmonie avec la nature pour produire une beauté approchant un peu le ballon prodigieux des biches et des impalas.